samedi 17 mai 2008

Kraan - Kraan (1972, Spiegelei 28778-9)



Petit retour dans la sphère kraut avec le premier très bon album de Kraan sorti en 1972 dans un superbe écrin coloré. Ce groupe allemand formé 2 ans plus tôt dans la région de Stuttgart joue une forme assez rythmée de jazz/rock germanique typique du début des 70's, qui lorgne beaucoup sur la funk avec une rythmique puissante, ou sur un rock plutôt heavy avec une guitare saturée omniprésente. Il est composé de Peter Wolbrandt (guitare, vocaux) Helmut Hattler (basse) Johannes A. Pappert (saxo, percus) Romi (Orgue) et Jan Fride (batterie, congas).

C'est une forme musicale assez proche finalement des artistes ou groupes de la même période issus de la scène de Chicago, tels que The Flock ou parfois le Butterfield Blues Band dans une version plus space-rock. On peut tenter de le rapprocher de groupes tels que Embryo ou Xhol. Le groupe intègre qui plus est dans leur musique quelques effets electroniques ainsi que des ambiances et des sonorités moyent-orientales : une sorte de world musique tendance heavy jazz/rock quoi, qui n'est parfois pas sans rappeler Amon Düül (le 2ème du nom) !



La première face ouvre avec Sarah's Ritt durch den Schwarzwald sur des effets électroniques façon Hawkwind avant d'enchainer avec un riff de guitare galopant qui revient et se répète entre les éclats de basses et les giclées de saxo ; la voix est rare, perchée, plus instrumentale qu'anecdotique. Sur M. C. Escher, l'orgue de Romi fait une apparition notable, la guitare arabise un ou deux ponts à l'image de certains titres du E=MH² de Clark-Hutchinson ; mais c'est le saxo qui prédomine dans les parties les plus mélodiques. Dernier morceau de la face, Kraan arabia joue la carte de l'orient à fond les manettes. Le morceau démarre sur des syncopes de congas qui évoquent Sympathy for the Devil, puis la basse roule, la guitare arpège des mélopées de harem, avant que le saxo ne nous emmène survoler le détroit de Bosphore. Le jam s'installe, le rythme s'accelère, le funk devient maitre des lieux mais le rock guète et le jazz surveille tout celà d'un oeil circonspect. Le morceau s'interrompt, une basse lourde maintient l'oreille écarquillée, le temps de reprendre ses esprits, de reposer les pieds sur l'asphalte - ou le plancher des bêtes à cornes - et le jam redémarre comme ça avait commencé presque 10 minutes auparavant : congas, basse, etc. avant de nous libérer inévitablement de son emprise.

La face b est un long jam de plus de 18 minutes, Head, fait de guitares reptiliennes comme les jouaient John Cippolina, de percus tribales féroces, d'envolées vocales mélant la fragilité de Bowie et l'allegro de Ian Gillan, de saxo provocateurs et dépaysants ; les rythmes se cassent, la batterie ondule et roule comme les hanches d'une danseuse, la basse est lubrique, presque indescente, les fumées de narguilés embrument la vision et l'esprit, et le morceau s'achève dans la violence de la montée d'endorphines... s'ensuit le titre qui clot l'album, Sarah auf der Gänswies, deux minutes de guitares cinglantes et mélodieuses, le temps que les vapeurs du Hammam se dissipent et que l'on constate que tout ceci n'était qu'une - inoubliable - illusion.



L'édition qui orne mes étagères est le Spiegelei allemand sorti en 1972, avec son oeuf au plat sur le label (graphiquement très sympatique) et la pochette est EX, alors que le disque VG+ (quelques marques visuelles). Je l'estime assez sobrement autour de 40 euro, étant donné le bon état de la bestiole.

A noter la bonne tenue des albums suivants, et le virage jazz/fusion sur l'album Let it out sorti en 1975, succès modéré aux US.
chronique et liens ici

samedi 3 mai 2008

Melody - Come Fly With Me (1976, Tapioca 10013)


Voilà de quoi réjouir les fans de bon rock progressif ! Melody est un groupe français qui sort un unique album sur le label Pôle en 1976, label racheté par Tapioca l'année suivante. Le groupe est composé de Gérard Batrya (basse) Didier Dupard (claviers) Patrick Frehner (chant, percussions) Jean-Luc L'Hermitte (chant, guitare) Phil Louvet (batterie, percussions) et la chanteuse américaine Diana Chase. C'est Philippe Besombes himself qui les signe en 1975 et dirige l'enregistrement de l'album, qui, mixage compris, "s'étale" sur 2 jours, les 12 et 13 novembre 1975. Le disque sort sur le label Pôle de Besombes sous la référence 0013 en 1976, et quelques moi après chez Tapioca.

L'album est un excellent compromis de pop destructurée et de rock progressif, à la façon de Ange ou de Atoll à la même époque ; on décèle des influences Floydiennes sur certains titres, et d'autres plus proches des claviers endiablés de Keith Emerson sur Tarkus, ou le coté heavy du Lizard de King Crimson. A noter que l'intégralité de l'album est chanté en anglais.


L'album ouvre avec Merry Go Round sur une basse angoissante, prenante aux tripes, et explose littéralement grâce aux claviers et une guitare piquante ! puis s'est une accalmie, la voix cristalline de Diana Chase entonne une mélodie vaporeuse, la guitare reprend de plus belle sur des breaks de basse, la batterie accompagne lourdement. Les ambiances se succèdent, destabilisantes, les rythmiques sont lourdes, les mélodies aériennes, le rock progressif dans toute sa splendeur ; jamais sobre à l'envie, jamais explosif à l'éxcès ! superbe. Avec Run Faster, le space rock floydien des année 75/77 s'installe ensuite, claviers permanents, une impression que le ciel s'assombrit, puis la rtyhmique redémarre, puissante, exacerbée. Le plus étonnant est l'impression de rapidité à laquelle s'écoulent les morceaux ! Le dernier titre de la face A (dejà) ouvre avec la voix éthérée de Diana Chase sur un élan funky et mélodieux, à la rythmique toujours puissante et pourtant virevoltante : la formation jazzy de Gérard Byatra y est fatalement pour quelque-chose... Death Rebirth, la renaissance, la mort, une voix intrigante, un morceau ponctué par des claviers subtils, des cassures de rythme ; une invitation à la reflexion.

La face B ouvre sur air de cathédral, un ersatz de Gloria violent, entonné par Patrick Frehner, interrompu une fois de plus par un break qui s'échappe sur une mélodie : les claviers reprennent la barre, la rythmique accompagne. La guitare tatonne, un orgue de messe coupe la fuite en avant du morceau... Viens Voler avec moi est le seul morceau dont le titre est en français. La voix de Diana Chase se fait plus soul sur l'ouverture de Proverbs, mais la machine redémarre illico. Les titres s'enchainent sans interruption, Roll Around the Clouds puis When I'm Afraid I Sing a Song alternent les chevauchées de claviers et les ralentissements mélodieux. Ce dernier titre annonce le travail de Pink Floyd sur Animals, ce subtil et ambigu mélange de légèreté et de noirceur pesante. Les percus sont aggressives, les voix entêtantes et sacerdotales ; on croit assister à une messe noire corrompue, une lutte incessante entre le Bien et le Mal. Yesterlife, titre plus court mais tout aussi rythmé est un autre superbe exemple de breaks de percus et de batteries, au service des guitares syncopées et des claviers bondissants. Le trip se conclue par une montée de claviers et de batterie à travers la voie lactée...



Je vous ai laissé quelques photos de l'édition sortie chez Tapioca en 1976 sous la référence 10013 ; à noter l'incongruité de ce pressage, qui semble être plus largement diffusé avec une erreur de pressage que "sain". je m'explique brièvement : c'est en achetant l'album Smooth Sick Light de Mahogany Brain que j'ai découvert Melody, puisque les faces B des 2 albums ont été interverties... pas de surcôte énorme envisageable au vue du fait que la version "saine" semble plus rare que la version misprint !
Pas de cotation très franche sur le net, je dirais que la diffusion relative de ce LP le place dans une fourchette de cotation allant de 30 à 50 euro en fonction de l'état de l'ensemble (chez moi c'est du EX/EX).

Et nouveauté sur le blog, l'album est accessible, caché dans le titre de l'article (un bon vieux rip de vinyl) la qualité est assez médiocre, mon matos y est pour quelque-chose, mais le mixage de l'album n'est pas totalement mis hors de cause !