jeudi 18 juin 2009

Leigh Stephens - Red Weather (1969, Philips PST 5107)



Revoilà ce bon Leigh Stephens, encore un tour sur la platine ! En guise de bio rapide, disons que Leigh Stephens est l'homme qui a fondé Blue Cheer avant de s'en faire débarquer par ses confrères bien défoncés... En 1967 il fonde donc le combo de hard Blue Cheer dans la baie de Frisco avec Dickie Peterson et Paul Whaley ; ensemble ils sortent 2 brûlots fondus dans le plomb et qui ne prennent pas une ride plus de 40 ans après, à savoir Vincebus eruptum et Outside/inside. Peu enclin aux drogues dures qui sévissent dans le reste du groupe, Leigh s'en plaint au manager qui - outre d'être le dealer du groupe - le vire tout simplement ! Pas grave, Leigh qui n'est pas du genre à se pencher la larme à l'oeil sur le passé va tracer sa route, en musique et en arts graphiques.

Pas contrarié pour un sou, Stephens se taille en Angleterre en 68 où le rock lui plait, et où il fait de belles rencontres : Jeff Beck, Rod Stewart, Nicky Hopkins et Mick Waller, s'il vous plait ! Il se met alors sur l'écriture de son opus solo, Red Weather, qui sera discrètement distribué par Philips. Génialissime melt de blues, de pop psyché et de rock péchu, Red Weather est surement la perle de la discographie de Leigh Stephens, bien devant les précités albums de Blue Cheer, ainsi que le reste de ses réalisations.



L'album s'ouvre sur Another dose of life, un blues rock bien roulé, lent et mélodieux, très typé par les productions anglaises de l'époque. On y décèle toutefois des réminiscences de son ancien groupe derrières quelques coups de manches bien torchés, disto rugueuse et aggressive. Le morceau suivant (notamment) qui s'intitule Drifting suggère une forme proto-prog de pop subtile, limite cabaret jazz, dans lequel Nicky Hopkins met tout son groove en oeuvre. Planant. Dans un style limite progressif aussi, If you choose to sur la seconde face, bien que plus rock, met encore à l'honneur le talent de Nicky.

Dans un style plus familer du taulier, Indians et I grow higher sonnent bien plus blues et rock, avec de nombreux breaks, ponts et autres subtilités qui font de cet album tout entier un disque proto-prog sans délaisser le blues de l'homme ! Deux titres réussis qui finissent dans des jams et des expérimentations sonores un peu longuettes et déroutantes, mais pas dénuées d'intérêt créatif. On arrive ensuite au vrai joyau de l'album, le titre éponyme qui ouvre la face B, blues tortueux qui mise sur la guitare savante et néanmoins généreuse de Leigh Stephens ; une brise de psychédélisme californien souffle sur la Tamise et nous emporte durant un peu plus de 3 minutes dans un trip embrumé. Une pure réussite.

La fin de l'album, les deux derniers titres donc, qui sont Joannie Mann et Chicken pot pie, ouvrent la porte à une expérimentation destructurante, toujours autour du blues, auquel le groupe intègre les éléments qui ornent le reste de l'album, pop progressive, guitares saturées, mélodies dégringolantes et breaks psyché. Le premier des deux fait limite penser à une version sous acid de morceaux stoniens période Beggars banquet ou Let it bleed, pendant que le second s'apparente carrément à une jam entre le Jeff Beck Group et les Beatles (surtout pour les arrangements).



Il existe apparement 3 éditions originales (minimum) de Red Weather, une américaine PHS 600-294, une anglaise SBL 7897, et une sud-africaine PST 5107. Pour une raison que je ne m'explique pas (!!) c'est cette dernière, moins courante, que j'ai dégotté chez un hollandais l'an passé... Malheureusement la pochette a un peu morflé, bien ridée et jaunie ; mérite un brave VG-. Le disque quand à lui a aussi subi les outrages du temps. Il présente de vilaines rayures de surface, craque par endroits mais ne saute pas. Un bon VG-/VG quand même, mais du coup il perd les 2/3 de sa valeur qu'on peut estimer aux alentours de 100 ou 120 euro en bon état. Celui que je présente vaudra bien néanmoins dans les 35 ou 40 euro. À noter la réedition LP par Akarma de 2005 (qui fait habituellement du bon boulot...)

dimanche 7 décembre 2008

Henri Texier - Varech (1977, Eurodisc 913.087)



Henri Texier est bassiste/contrebassiste de formation jazz : il a contribué dans les années 60 à l'émergence du free-jazz et du jazz-bop en Europe après avoir dès son plus jeune âge accompagné des musiciens comme Lee Konitz, Dexter Gordon, Booker Ervin, Art Farmer etc.

Au début des années 70 il se lance dans la découverte de nouveaux instruments et particulièrement des percussions de styles folkloriques internationaux, et d'instuments à cordes désuets. Il sera notamment membre du mythique Total Issue (un LP qui ferait bien sur mes étagères...) et accompagne ainsi de nombreux artistes francophones tels que Catherine Ribeiro, et participe en parallèle à de nombreux projets plus avant-gardistes avec Didier Lockwood notamment.



Ce disque sorti en 1977 est son second album solo qu'il réalise à 100%, après Amir sorti l'année précédente ; Amir fut le laboratoire expérimental qui permit à Henri Texier d'élaborer ce bijou de jazz scat, imbibé d'ambiances folkloriques africaines et moyennes orientales, de flûtes andines et de persussions siams. Son jeu de contrebasse a quelque chose de bestial, d'instinctif et de parfaitement inimitable.

Les titres s'enchainent et nous transportent au gré des sonorités, nous fait visiter le monde au rythme des infrassons de ses instruments. Un disque fondamental des trips new age et world music qui verront le jour dans les 80's à n'en point douter ! On a peine à croire qu'avec ses allures de bûcheron franc-comtois, ce musicien parisien puisse nous émouvoir autant, au rythme des bombardes et autres ouds, et des choeurs sacerdotaux empreints d'un folklore bigarré et multiracial !

je ne me séparerais jamais de cette galette...



le disque que je vous présente (désolé pour les photos...) est pressé en 77 et sorti chez Eurodisc, distribué par WEA. La pochette et le disque sont EX et la cote de ce "truc" avoisine les 25 euro (plus à en croire nos amis de Popsike...)

si le matériel me le permet, je vous en ferais un rip !

samedi 23 août 2008

Linn County - Proud Flesh Soothseer (1968, Mercury SR-61181)



Évidemment cet album est un monument sinon je n'en parlerais pas (modestie...). Pour être plus objectif, je pense que cet album est une fois de plus une pierre angulaire essentielle entre les décennies 60 et 70 : il faut vous le procurer, par n'importe quel moyen !

Le groupe se forme dans l'Iowa en 1967 sous le nom de Linn County Blues Band, puisqu'ils sont originaires du Conté de Linn, et qu'ils sont un groupe de blues...imparable... Ils émigrent vers San Francisco l'année suivante et deviennent Linn County; ils signent pour Mercury et sortent dans la foulée leur premier album qui demeure à mon goût le meilleur (je n'ai découvert le troisième que récemment, dommage). Le line-up se compose de Stephen Miller (orgue, chant), Larry Easter (saxo, flûte), Dino Long (basse), Fred Walk (guitare, sitar) et Ray 'Snake' Mc Andrew (batterie).



Cet album vaut surtout le détour par sa diversité et son originalité dans l'interprétation; c'est un mélange subtil de soul/blues et de rock psychédélique, bourré d'orgues vibrants, de flûtes badines et de guitares accrocheuses. La reprise audacieuse du Think de James Brown qui ouvre l'album est une synthèse intéressante de ce que sait faire ce groupe. Le titre suivant flirte plus volontiers vers une forme d'avant-garde à la sauce jazz, sans perdre de son enrobage psychédélique, un peu comme si Jean Luc Ponty jouait avec le Grateful Dead ! La fin de la première face reste très orientée avant-garde avec une flûte et un saxo omniprésents, surnageant hors d'une composition d'honnête facture, toujours entre soul, blues et rock psychédélique.

Le morceau de bravoure de la seconde face s'intitule Protect and serve/Bad Things, il dure plus de 14 minutes. Toujours très proche de la soul avec ses cuivres, il nous propose un interlude free-jazz baroque/rococo dans un style proche des Mothers of Invention; le morceau vire blues à la façon du Paul Butterfield Blues Band, sans négliger les parties de saxo à la façon du Chicago blues de la fin des 60's. L'enchainement avec Fast days, un titre finalement assez dansant toujours bourré de groove, démontre encore l'étendue des capacités techniques et de l'aura artistique de ce groupe à redécouvrir; le finish rappelle une fois de plus le gang de Zappa...



Le pressage qui orne mes étagères est un Mercury US qui frôle le VG+ niveau pochette (léger ring et un accroc sur la tranche) alors que l'intérieur du gatefold est NM, bien brillant. Le disque est heureusement quant à lui NM (un vrai, pas une rayure visible, par un souffle !) et c'est un vrai régal sur la platine !!
Pour continuer mes esquisses de cotation, je lui donnerais bien une valeur de 40€ en très bon état; disons que mon exemplaire en vaut bien 30, surtout pour la galette qui est superbe ! Et le 'cover art' - comme disent les cousins amerloques - est juste sublime !

samedi 17 mai 2008

Kraan - Kraan (1972, Spiegelei 28778-9)



Petit retour dans la sphère kraut avec le premier très bon album de Kraan sorti en 1972 dans un superbe écrin coloré. Ce groupe allemand formé 2 ans plus tôt dans la région de Stuttgart joue une forme assez rythmée de jazz/rock germanique typique du début des 70's, qui lorgne beaucoup sur la funk avec une rythmique puissante, ou sur un rock plutôt heavy avec une guitare saturée omniprésente. Il est composé de Peter Wolbrandt (guitare, vocaux) Helmut Hattler (basse) Johannes A. Pappert (saxo, percus) Romi (Orgue) et Jan Fride (batterie, congas).

C'est une forme musicale assez proche finalement des artistes ou groupes de la même période issus de la scène de Chicago, tels que The Flock ou parfois le Butterfield Blues Band dans une version plus space-rock. On peut tenter de le rapprocher de groupes tels que Embryo ou Xhol. Le groupe intègre qui plus est dans leur musique quelques effets electroniques ainsi que des ambiances et des sonorités moyent-orientales : une sorte de world musique tendance heavy jazz/rock quoi, qui n'est parfois pas sans rappeler Amon Düül (le 2ème du nom) !



La première face ouvre avec Sarah's Ritt durch den Schwarzwald sur des effets électroniques façon Hawkwind avant d'enchainer avec un riff de guitare galopant qui revient et se répète entre les éclats de basses et les giclées de saxo ; la voix est rare, perchée, plus instrumentale qu'anecdotique. Sur M. C. Escher, l'orgue de Romi fait une apparition notable, la guitare arabise un ou deux ponts à l'image de certains titres du E=MH² de Clark-Hutchinson ; mais c'est le saxo qui prédomine dans les parties les plus mélodiques. Dernier morceau de la face, Kraan arabia joue la carte de l'orient à fond les manettes. Le morceau démarre sur des syncopes de congas qui évoquent Sympathy for the Devil, puis la basse roule, la guitare arpège des mélopées de harem, avant que le saxo ne nous emmène survoler le détroit de Bosphore. Le jam s'installe, le rythme s'accelère, le funk devient maitre des lieux mais le rock guète et le jazz surveille tout celà d'un oeil circonspect. Le morceau s'interrompt, une basse lourde maintient l'oreille écarquillée, le temps de reprendre ses esprits, de reposer les pieds sur l'asphalte - ou le plancher des bêtes à cornes - et le jam redémarre comme ça avait commencé presque 10 minutes auparavant : congas, basse, etc. avant de nous libérer inévitablement de son emprise.

La face b est un long jam de plus de 18 minutes, Head, fait de guitares reptiliennes comme les jouaient John Cippolina, de percus tribales féroces, d'envolées vocales mélant la fragilité de Bowie et l'allegro de Ian Gillan, de saxo provocateurs et dépaysants ; les rythmes se cassent, la batterie ondule et roule comme les hanches d'une danseuse, la basse est lubrique, presque indescente, les fumées de narguilés embrument la vision et l'esprit, et le morceau s'achève dans la violence de la montée d'endorphines... s'ensuit le titre qui clot l'album, Sarah auf der Gänswies, deux minutes de guitares cinglantes et mélodieuses, le temps que les vapeurs du Hammam se dissipent et que l'on constate que tout ceci n'était qu'une - inoubliable - illusion.



L'édition qui orne mes étagères est le Spiegelei allemand sorti en 1972, avec son oeuf au plat sur le label (graphiquement très sympatique) et la pochette est EX, alors que le disque VG+ (quelques marques visuelles). Je l'estime assez sobrement autour de 40 euro, étant donné le bon état de la bestiole.

A noter la bonne tenue des albums suivants, et le virage jazz/fusion sur l'album Let it out sorti en 1975, succès modéré aux US.
chronique et liens ici

samedi 3 mai 2008

Melody - Come Fly With Me (1976, Tapioca 10013)


Voilà de quoi réjouir les fans de bon rock progressif ! Melody est un groupe français qui sort un unique album sur le label Pôle en 1976, label racheté par Tapioca l'année suivante. Le groupe est composé de Gérard Batrya (basse) Didier Dupard (claviers) Patrick Frehner (chant, percussions) Jean-Luc L'Hermitte (chant, guitare) Phil Louvet (batterie, percussions) et la chanteuse américaine Diana Chase. C'est Philippe Besombes himself qui les signe en 1975 et dirige l'enregistrement de l'album, qui, mixage compris, "s'étale" sur 2 jours, les 12 et 13 novembre 1975. Le disque sort sur le label Pôle de Besombes sous la référence 0013 en 1976, et quelques moi après chez Tapioca.

L'album est un excellent compromis de pop destructurée et de rock progressif, à la façon de Ange ou de Atoll à la même époque ; on décèle des influences Floydiennes sur certains titres, et d'autres plus proches des claviers endiablés de Keith Emerson sur Tarkus, ou le coté heavy du Lizard de King Crimson. A noter que l'intégralité de l'album est chanté en anglais.


L'album ouvre avec Merry Go Round sur une basse angoissante, prenante aux tripes, et explose littéralement grâce aux claviers et une guitare piquante ! puis s'est une accalmie, la voix cristalline de Diana Chase entonne une mélodie vaporeuse, la guitare reprend de plus belle sur des breaks de basse, la batterie accompagne lourdement. Les ambiances se succèdent, destabilisantes, les rythmiques sont lourdes, les mélodies aériennes, le rock progressif dans toute sa splendeur ; jamais sobre à l'envie, jamais explosif à l'éxcès ! superbe. Avec Run Faster, le space rock floydien des année 75/77 s'installe ensuite, claviers permanents, une impression que le ciel s'assombrit, puis la rtyhmique redémarre, puissante, exacerbée. Le plus étonnant est l'impression de rapidité à laquelle s'écoulent les morceaux ! Le dernier titre de la face A (dejà) ouvre avec la voix éthérée de Diana Chase sur un élan funky et mélodieux, à la rythmique toujours puissante et pourtant virevoltante : la formation jazzy de Gérard Byatra y est fatalement pour quelque-chose... Death Rebirth, la renaissance, la mort, une voix intrigante, un morceau ponctué par des claviers subtils, des cassures de rythme ; une invitation à la reflexion.

La face B ouvre sur air de cathédral, un ersatz de Gloria violent, entonné par Patrick Frehner, interrompu une fois de plus par un break qui s'échappe sur une mélodie : les claviers reprennent la barre, la rythmique accompagne. La guitare tatonne, un orgue de messe coupe la fuite en avant du morceau... Viens Voler avec moi est le seul morceau dont le titre est en français. La voix de Diana Chase se fait plus soul sur l'ouverture de Proverbs, mais la machine redémarre illico. Les titres s'enchainent sans interruption, Roll Around the Clouds puis When I'm Afraid I Sing a Song alternent les chevauchées de claviers et les ralentissements mélodieux. Ce dernier titre annonce le travail de Pink Floyd sur Animals, ce subtil et ambigu mélange de légèreté et de noirceur pesante. Les percus sont aggressives, les voix entêtantes et sacerdotales ; on croit assister à une messe noire corrompue, une lutte incessante entre le Bien et le Mal. Yesterlife, titre plus court mais tout aussi rythmé est un autre superbe exemple de breaks de percus et de batteries, au service des guitares syncopées et des claviers bondissants. Le trip se conclue par une montée de claviers et de batterie à travers la voie lactée...



Je vous ai laissé quelques photos de l'édition sortie chez Tapioca en 1976 sous la référence 10013 ; à noter l'incongruité de ce pressage, qui semble être plus largement diffusé avec une erreur de pressage que "sain". je m'explique brièvement : c'est en achetant l'album Smooth Sick Light de Mahogany Brain que j'ai découvert Melody, puisque les faces B des 2 albums ont été interverties... pas de surcôte énorme envisageable au vue du fait que la version "saine" semble plus rare que la version misprint !
Pas de cotation très franche sur le net, je dirais que la diffusion relative de ce LP le place dans une fourchette de cotation allant de 30 à 50 euro en fonction de l'état de l'ensemble (chez moi c'est du EX/EX).

Et nouveauté sur le blog, l'album est accessible, caché dans le titre de l'article (un bon vieux rip de vinyl) la qualité est assez médiocre, mon matos y est pour quelque-chose, mais le mixage de l'album n'est pas totalement mis hors de cause !

samedi 12 avril 2008

William Truckaway - Breakaway (1971, Warner K 44165)



Si vous cherchez des informations sur William Truckaway, vous allez vite découvrir que ce beau barbu se dissimule derrière un pseudonyme; son vrai nom étant Sievers. Parlons donc de William Sievers ! William Sievers est guitariste chez Sopwith Camel en 1967, et il participe donc à l'enregistrement de leur album éponyme. Sopwith Camel est le second groupe de la Bay à signer un contrat avec une major après les Grateful Dead, et ils jouissent d'une extrême popularité : ils jouent un style proche des Lovin' Spoonful, fait de pop subtile et fleurie (et enfumée d'ailleurs) et d'un mélange de folk psychédélique ou désuet.
Finalement, les nombreuses frustrations individuelles auront raison du groupe et les membres se séparent. William Sievers se tourne vers la production tout en continuant à participer à quelques sessions de ça, de là ; il jouera notamment quelques plans de synthé sur "Oh ! Pleasant hope" de Blue Cheer en 71. Cette même année, il enregistre son unique album solo, Breakaway pour Warner, produit par Erik Jacobsen, une vieille connaissance de la période Sopwith Camel.



Son album est donc vaguement dans la lignée des années Sopwith Camel, l'insouciance en moins et la technique en plus. Les amateurs de blues-rock spontané et animal détesteront (je préfère prévenir). La production est assez classieuse, les plans de gratte ou les synthés sont très clean, et tout est overdubbé. A noter la participation à l'enregistrement du batteur de Sopwith Camel, Norman Mayell, ainsi que Terry Dolan à la 12 cordes (futur Terry and the pirates) sur le titre I go slow.

C'est le titre Breakaway qui ouvre l'album, guitare à forte reverb et synthé, vibrato à fond. C'est une ballade pop/folk dans un style bal de foire dans l'Oklahoma ou le Kansas. Étrangement, ce titre sonne presque années 80. Les titres suivants Hard, cold, city life et Way to my heart virent franchement country avec l'harmonica et la slide débrayée au max ! ça rappelle Poco dans les années qui suivront. Send me some prend une tournure beaucoup plus pop, et l'ajout de choeurs subtils et de percus anodines, de même que cette flûte guillerette, font sautiller de joie; une joie enfantine et rassérénante. La première face s'achève sur un nouveau morceau aux contours country/pop, beaucoup de reverb et des refrains qui vous font remuer les éperons ! Et pour couronner le tout, un petit plan de violon vient achever le titre (et l'auditeur, non je blague)
La seconde face ouvre sur un morceau de pop rythmé, piano et batterie en quiconce, se calant l'un sur l'autre; un petit coté Elton John des débuts assez surprenant, accompagné de choeurs enjoleurs. I go slow qui suit étonne aussi, avec sa sitar et ses percu afro/indiennes. La voix de Sievers, d'abord rauque se fait suave pour mieux se fondre dans le tempo lent du morceau. On continue le tour du monde pop avec Where's my baby et son pizzicato de violon façon orchestre slave, ses mélodies "Lennoniennes" et ses couplets enlevés. Ce titre sonne franchement moderne par rapport au reste de l'album : une pépite à l'état brut ! Soundaround poursuit sur un genre de world et de country, un piano et un phrasé de western, un titre de folklore acadien qui surprend et qui laisse perplexe tant il semble là pour déranger : il dure 2 minutes 17 secondes et se conclue par un solo de guimbarde !! Bluegreens, le single qui a précédé la sortie de l'album (et qui a connu un certain succès en France) ressemble étrangement à un morceau des Beach Boys qui se parodieraient; une rythmique surf, des clap-clap, des choeurs féminins et des sha-la-la, un coup de Moog pour dérouter l'auditeur... une parodie, mais plutôt entrainante, basée selon l'auteur sur la philosophie de vie inspirée par Winnie the Pooh (himself). L'album s'achève sur une adaptation country/pop, voire même un peu gospel, du traditionnel Leave it there; Un coté Lynyrd Skynyrd à la cool pas forcément déplaisant.



C'est un pressage US qui tourne sur ma platine, et comme vous pouvez le constater, c'est Reprise qui distribue le disque. Il est NM (disque et pochette) et pourtant je ne m'aventure guère à ce genre d'évaluation; mais là, c'est sidérant : pas une ride, pas une égratignure, le label rutile !! bon, il est plus que nickel.
l'album n'est pas fulgurant, surement pas indispensable, mais tout de même intéressant - surtout pour sa deuxième face déroutante - et cote plus par sa relative rareté que pour son intérêt musical. Très peu de traces de ventes de cet album, sinon sur des plateformes genre ebay (tantôt 10£, tantôt 30£) ou CDandLP, à des prix de la même envergure.
Moi je lui attribue une cote de 20 euro parce que je l'aime bien et qu'il est comme neuf, mais les estimations de disques... c'est pas ma spécialité, même si je m'y essaye !
à écouter, la face B de l'album (cachée dans le titre de l'article ;-)

samedi 29 mars 2008

Power of Zeus - The Gospel According To Zeus (Rare Earth, RS-512, 1970)




Je sais ce que vous allez vous dire : "ce type est resté bloqué en 1970..." et vous auriez raison, mais qui oserait me jeter la pierre ! les années 1969/70 sont je pense les plus créatives de la période emblématique des 60's et 70's.
Je m'explique : en 1969 le rêve hippie a sévèrement pris du plomb dans l'aile, le psychédélisme se tasse et musicalement, le rock devient heavy et progressif. C'est au tournant des années 70 que tous les styles fondamentaux du rock s'amalgament.

Avec Power of Zeus, on revient dans cette region froide mais fertile du midwest US où poussent le blé et les superbes galettes mieux qu'ailleurs. Le groupe s'appelle Gangrène à sa création en 1968, il est formé à Détroit par Joe Periano (guitare/chant), Bill Jones (basse/chant), Bob Michalski (percu) et Dennie Weber (claviers). Après avoir fréquenté les clubs de la région, s'être momentanément installés au Wooden Nickel Club, ils signent chez Rare Earth (Motown) à condition de changer de nom; c'est donc en tant que Power of Zeus qu'ils enregistrent leur unique album en 1970.



Les influences du groupe sont facilement identifiables et se trouvent dans la continuité du british heavy-rock comme Black Sabbath ou Led Zeppelin, voire Deep Purple ou Hawkwind. Leur manque de succès semble surtout reposer sur le peu de compétence dont fait preuve un label comme Motown à promouvoir des disques heavy.

C'est l'orgue qui domine l'album, et répond efficacement à la guitare de Joe Periano. Le morceau d'ouverture It couldn't be me donne le ton, avec ses soli survoltés et les envolées vocales de Periano, dans un style très proche de Deep Purple en plus bluesy. In the night démarre sur les mêmes rythmes avant de virer sensiblement freakbeat avec un tambourin et une caisse claire atypique du heavy-rock, puis apparait l'orgue qui joue un pont limite baroque avant de relancer la machine !
Green grass & clover ralenti le tempo avec son Hammond façon Moody Blues et la frénésie reprend avec I lost my love et des percu samba l'espace d'une accélération. The death trip clos la face 1 dans une ambiance sombre assez lourde, évoquant un Black Sabbath les choeurs en plus, se fondant dans les graves sous les martellements de la basse de Bill Jones. Un orgue de cathédrale élève le morceau vers des sphères vaporeuses avant qu'il ne replonge six pieds sous terre dans un style douceret de pop baroque éloquent, accompagné des déclamations sacerdotales de Periano, qui repète inlassablement le refrain, ponctué d'un glas funeste.

La seconde face démarre dans un ton heavy-blues avec No time puis enchaine sur un morceau plus lent et mélancolique, Uncertain destination, où la guitare bourrée de reverb' souligne la puissance vocale de Periano, avant de virer psyché, tripatouillant de ça de là, accompagnée par un orgue résonnant comme un clavecin, puis de reprendre un blues heavy à la façon de Clapton avec Cream. Realization poursuit dans le blues/claviers, recèle d'un solo bouillant, envoies des breaks et des accélérations intenses, avant de laisser la place à Hard working man, plus typé blues midwest, avec sa touche de boogie et son solo acidulé.
Enfin, un coup de gong ouvre le morceau final, The sorcerer of Isis, qui s'annonce franchement psychédelique : guitare lancinante, voix incantatoire, Hammond qui fuse. Le solo d'une minute assez calqué sur un morceau d'Hendrix est suivi d'un passage expérimental composé de bruitages totalement incohérent, puis le morceau reprend comme il avait commencé, étrange, psychédelique, presque dérangeant. Les guitares vénéneuses reprennent et finissent par se noyer dans le fade out qui clos l'album.



C'est le pressage US original que je vous présente aujourd'hui, avec son superbe label Rare Earth rouge vif. La pochette est en bon état (VG+) avec quelques "rides" dues à son âge avancé, ni trous ni déchirures. Le disque quant à lui est également VG+, et aurait mérité EX si le label n'avait pas quelques traces.

Niveau cotation, ce disque a longtemps été très convoité avant qu'Internet ne permette aux collectionneurs d'en voir passer des dizaines chaque semaines sur ebay, CdandLP ou d'autres plateformes de vente en ligne. Je ne vous dirais pas combien il m'a couté, mais il doit coter dans cet état aux alentours de 50 ou 60 euro. A voir.

jeudi 10 janvier 2008



Décidemment, j'ai une attirance particulière pour l'année 1970, je vais en parler à mon psy !! peut être est-ce dû à la qualité des groupes qui émergent à cette date...

Frijid Pink est un groupe de la banlieue de Détroit formé en 1967 ; ils tournent dans les petits clubs jusqu'en 1969, année où ils signent chez Parrot (filiale de Decca/London) et sortent leur succès, une reprise du célèbre "House of the rising sun". Ils en vendent tellement que le SP atteint la 7ème place du Billboard US, et le groupe est propulsé super-star locale. Dorénavant, ils seront les têtes d'affiche (Les New Yardbrids, futurs Led Zeppelin ouvrant même pour eux) et vont multiplier les festivals en compagnie du MC5, de SRC ou autres The Frost ou Amboy Dukes.

Toute cette scène du Michigan est une synthèse géniale des influences rock qui bercent les US à cette époque et des rythmes traditionnels du Middle-West, à savoir un psychédélisme sonnant assez heavy, marié à un boogie ou un blues-rock chaleureux.



Le LP ouvre sur "God gave me you", une sorte de ballade du genre love-song hard-rock, qui peut décevoir si on ne prend pas la peine d'attendre le second titre ! dès le début de la seconde plage, la guitare crache les notes et la batterie impose le rythme. Les titres deviennent alors incroyablement dansants, la voix est perchée et puissante, l'harmonica enrobe le tout d'harmonies superbes. "Drivin' blues" sonne très Canned Heat, un boogie-blues péchu, et enchaine sur "Tell me why" titre court qui cloture la face 1 dans une ambiance assez heavy, et une guitare saturée qui rappelle celle des Kinks.

La seconde face ouvre sur un riff de folie : comme un train à vapeur qui traverse les plaines du Michigan, "End of the line" fracasse les tympans et crache une fumée noire à effrayer tous les diables (le titre est sorti en SP, face B de "Sing a song for freedom", Deram DM 309). Arrive alors le titre qui a consacré le groupe, la reprise de "House of the rising sun", dont la version surclasse aisément celle des Animals : méconnaissable aux premières notes, le morceau conserve ces nuances heavy et boogie-blues qui caractérise tout l'album. Mémorable ! "I want to be your lover" évoque parfois Jefferson Airplane (le refrain rappelle "It's no secret" ou "The ballad ou you and me and pooneil") et malgré un solo de percus assez éprouvant et pas franchement justifié, le blues-rock est encore efficace. L'album s'achève sur un blues plus lent qui n'est pas indispensable...

Ce disque est sans conteste à placer dans toute discothèque rock idéale (genre d'utopie individualiste, j'en conviens) : même si les musiciens ne sont pas des virtuoses, cet album est comme je le disais en intro une synthèse géniale des influences psyché et heavy de toute l'amérique en 1970 et des courants locaux très typés boogie-blues, le tout conduit par une guitare saturée captivante et vibrante.


L'édition que je vous présente est la version française publiée par Deram, réf SML-R 1062, publiée en 1970 : l'état de la pochette est VG+ et celle du disque EX. Il vaut une petite cote de 50 euro et comme d'habitude, la fourchette varie beaucoup (comment être objectif ?) mais il est essentiel.

A noter quelques particularités : tous les titres (exceptés "House of the rising sun") sont des compositions du groupe, et contrairement à certains track-listings trouvés sur le net, le LP ne contient que 9 titres, les 2 souvent rapportés ("Heartbreak hotel" et "Music for the people") étant des SP adjoints aux nombreuses réeditions CD.

samedi 1 décembre 2007

Popol Vuh - Einsjäger & Siebenjäger (Ohr Musik, 1974)

Voilà encore un petit joyau de kraut que le grand public méconnait : Popol Vuh est plus réputé pour d'autres albums comme In Den Gärten Pharaos, ou encore Hosianna Mantra. Des débuts en 1970 et des collaborations avec des musiciens de l'Amon Düül, il reste pour cet album l'innamovible Florian Fricke, fondateur du groupe, et Daniel Fichelscher qui oeuvrait auparavant aux percu chez (bien sur) Amon Düül II, et participa entre autre à l'enregistrement du second album de Gila, Bury My Heart At Wounded Knee, groupe de son prédécesseur Connie Veit (vous me suivez ?).



A tout bien réfléchir, Einsjäger & Sienbenjäger n'est pas à proprement parler un disque de kraut ; il est nettement plus orienté sur des mélodies élaborées, où la guitare de Fichelscher domine, dans un style proche de celui de Dave Gilmour. La face 1 est intégralement instrumentale et ouvre sur un morceau aux inlfuences manifestement issues du folklore asiatique ou moyen-oriental (ou celte ??). La succession des titres évoque un jam entrecoupé aux rythmes variés, aux mélodies sophistiquées, raffinées, où le piano a remplacé le Moog traditionnel et les cymbales sont les percu principales. La dénomination kosmische musik ou space music serait nettement plus appropriée tant on semble léviter sur les airs épurés de piano et leur écho de guitares planantes.

La face 2 quant à elle est constituée d'un seul et même morceau long de 19'30 toujours dans un style planant, entre guitare et piano se répondant, et en alternant les envolées et les retombées de tempo. A noter l'apparition vocale (?) de Djong Yun, deja présente sur certains albums précédents de Popol Vuh. Le titre mystérieux de l'album Einsjäger und Siebenjäger (littéralement "1 chasseur et 7 chasseurs") est également celui de ce morceau colossal : a-t-il un rapport avec l'illustration de la pochette représentant un guerrier chinois armé d'un arc, sur une estampe traditionnelle ?



Cet album se révèle presque un ouvrage intimiste, d'une facture soft étrangement éloignée des créations germaniques de l'époque. On décèle des ambiances parfois intrigantes comme les construit la même année Mike Oldfield sur Hergest Ridge, et on s'éloigne franchement du minimalisme que développent alors des groupes comme Kraftwerk avec Autobahn ou Tangerine Dream avec Rubycon l'année suivante. C'est probablement l'utilisation du piano à la place du synthé qui apporte cette particularité et donne son coté optimiste à l'album en opposition à la perception nihiliste qui ressort de l'écoute des groupes allemands pré-cités : on ne ressent dans cet album aucune aggressivité, aucune brutalité, aucun angle aigu, tout est rond, ethéré, voluptueux et léger, mouvant et fragile.



Je vous présente le pressage français de l'album sorti en 1975 par Cosmic Music et distribué en France par Barclay sous le numéro 840 081. Mon exemplaire est en excellent état, tant le disque VG+ que la pochette qui est franchement EX (brillante, égratignures minimes aux angles). Au gré des prix pratiqués sur le net et ceux de popsike, j'évalue celui-ci aux alentours de 25 ou 30 euro.

PS : désolé pour la qualité de la photo, la saison n'étant pas très ensoleillée et le flash trop agressif, je n'ai pu en tirer de meilleure...

lundi 5 novembre 2007

John McLaughlin - Devotion (1970, Douglas 500 011)




Pour son second LP solo, John McLaughlin se lache franchement !! alors qu'Extrapolation (1969) tire franchement sur le jazz et lorgne un peu sur les musiques latines, Devotion est une compilation de styles en vogue à la fin des sixties. Pas encore dans son trip Harekrishna, McLaughlin explore la soul, le blues, le hard-rock, le rock progressif dans une ambiance de psychédélisme prenante.

Outre l'apport crucial de Buddy Miles et de Billy Rich, section rythmique du Buddy Miles Express, c'est l'orgue de Larry Young qui donne sa dimension à cet album de McLaughlin, sur la première partie notamment. Les deux se connaissent parfaitement car ils fondent le Tony Williams Lifetime en 1969 (avec bien sur Tony Williams), power trio orienté vers la soul-jazz et l'avant garde. Son jeu de Hammond amène la touche soul qui rend ce disque inégalé dans la carrière de John McLaughlin.



Le titre éponyme est une merveille de créativité, et résume à lui seul le sublime de l'album, en compilant en 11'25 tous les styles deja cités : jazz, soul, blues, hard-rock, etc. Ce morceau m'inspire un voyage au dessus d'un monde en éruption, où tout se transforme en laissant une étrange impression que rien ne sera pareil par la suite. Le jam le plus halluciné de la discographie (très profonde) de McLaughlin.

La suite se passe de commentaires, tout découle de l'ouverture et semble évident et limpide : Marbles qui ouvre la face 2 préfigure la collaboration avec Carlos Santana , Siren est plus ouvertement soul mais bascule dans un rock progressif assez heavy, alors que l'album se clot par une séance de trance avec Purpose of when où John McLaughlin torture le manche de sa guitare dans un long solo étrangement apaisant et rassurant ; comme pour nous indiquer qu'après le survol de ce monde en métamorphose, nous ne devions pas avoir peur... une bien drôle de sensation !



Le pressage que je vous présente est l'édition Douglas qui porte la référence 500 011 sorti en 1970 en France : il est pour ainsi dire comme neuf (disque/label/pochette) et mérite une cote de 20 à 30 euro.