Revoilà ce bon Leigh Stephens, encore un tour sur la platine ! En guise de bio rapide, disons que Leigh Stephens est l'homme qui a fondé Blue Cheer avant de s'en faire débarquer par ses confrères bien défoncés... En 1967 il fonde donc le combo de hard Blue Cheer dans la baie de Frisco avec Dickie Peterson et Paul Whaley ; ensemble ils sortent 2 brûlots fondus dans le plomb et qui ne prennent pas une ride plus de 40 ans après, à savoir Vincebus eruptum et Outside/inside. Peu enclin aux drogues dures qui sévissent dans le reste du groupe, Leigh s'en plaint au manager qui - outre d'être le dealer du groupe - le vire tout simplement ! Pas grave, Leigh qui n'est pas du genre à se pencher la larme à l'oeil sur le passé va tracer sa route, en musique et en arts graphiques.
Pas contrarié pour un sou, Stephens se taille en Angleterre en 68 où le rock lui plait, et où il fait de belles rencontres : Jeff Beck, Rod Stewart, Nicky Hopkins et Mick Waller, s'il vous plait ! Il se met alors sur l'écriture de son opus solo, Red Weather, qui sera discrètement distribué par Philips. Génialissime melt de blues, de pop psyché et de rock péchu, Red Weather est surement la perle de la discographie de Leigh Stephens, bien devant les précités albums de Blue Cheer, ainsi que le reste de ses réalisations.
L'album s'ouvre sur Another dose of life, un blues rock bien roulé, lent et mélodieux, très typé par les productions anglaises de l'époque. On y décèle toutefois des réminiscences de son ancien groupe derrières quelques coups de manches bien torchés, disto rugueuse et aggressive. Le morceau suivant (notamment) qui s'intitule Drifting suggère une forme proto-prog de pop subtile, limite cabaret jazz, dans lequel Nicky Hopkins met tout son groove en oeuvre. Planant. Dans un style limite progressif aussi, If you choose to sur la seconde face, bien que plus rock, met encore à l'honneur le talent de Nicky.
Dans un style plus familer du taulier, Indians et I grow higher sonnent bien plus blues et rock, avec de nombreux breaks, ponts et autres subtilités qui font de cet album tout entier un disque proto-prog sans délaisser le blues de l'homme ! Deux titres réussis qui finissent dans des jams et des expérimentations sonores un peu longuettes et déroutantes, mais pas dénuées d'intérêt créatif. On arrive ensuite au vrai joyau de l'album, le titre éponyme qui ouvre la face B, blues tortueux qui mise sur la guitare savante et néanmoins généreuse de Leigh Stephens ; une brise de psychédélisme californien souffle sur la Tamise et nous emporte durant un peu plus de 3 minutes dans un trip embrumé. Une pure réussite.
La fin de l'album, les deux derniers titres donc, qui sont Joannie Mann et Chicken pot pie, ouvrent la porte à une expérimentation destructurante, toujours autour du blues, auquel le groupe intègre les éléments qui ornent le reste de l'album, pop progressive, guitares saturées, mélodies dégringolantes et breaks psyché. Le premier des deux fait limite penser à une version sous acid de morceaux stoniens période Beggars banquet ou Let it bleed, pendant que le second s'apparente carrément à une jam entre le Jeff Beck Group et les Beatles (surtout pour les arrangements).
Il existe apparement 3 éditions originales (minimum) de Red Weather, une américaine PHS 600-294, une anglaise SBL 7897, et une sud-africaine PST 5107. Pour une raison que je ne m'explique pas (!!) c'est cette dernière, moins courante, que j'ai dégotté chez un hollandais l'an passé... Malheureusement la pochette a un peu morflé, bien ridée et jaunie ; mérite un brave VG-. Le disque quand à lui a aussi subi les outrages du temps. Il présente de vilaines rayures de surface, craque par endroits mais ne saute pas. Un bon VG-/VG quand même, mais du coup il perd les 2/3 de sa valeur qu'on peut estimer aux alentours de 100 ou 120 euro en bon état. Celui que je présente vaudra bien néanmoins dans les 35 ou 40 euro. À noter la réedition LP par Akarma de 2005 (qui fait habituellement du bon boulot...)